Pierre
Gaudu, « poète
visuel »
Car
écrire sur Pierre Gaudu, c’est en quelque sorte vouloir saisir
l’insaisissable, coucher sur le papier ce qui ne relèverait ni de
l’encre ni des caractères, évoquer – et non pas cerner… –
ce qui confine fondamentalement à l’indicible.
Passe
déjà qu’il s’appelle Pierre-François Gaudu ; mais
l’expression de ce plasticien, qui aura éprouvé bien des styles
de peinture, de dessin comme de photographie, paraît s’évaporer à
chaque changement de grammaire, dans l’incandescence de son
accomplissement.
Qu’il
dessine ou qu’il peigne, voire – surtout ?... – qu’il
photographie, Gaudu semble se consumer dès lors qu’il atteint
cette perfection à laquelle il tendait depuis si longtemps, de toute
éternité ; et qui s’échappe d’autant plus vite et
d’autant plus loin qu’elle se révèle pleine et aboutie, loin de
toute séduction.
Car
il y a tout à la fois quelque chose de l’enfantement et de la
noyade chez Gaudu, qui ne peut « faire » qu’en se
livrant jusqu’à l’extrême, jusqu’à la disparition, jusqu’à
se laisser absorber par son œuvre – quelque forme revêtît-elle.
Paradoxalement
– car leurs mondes n’ont apparemment rien à voir… –, Gaudu
fait parfois philosophiquement penser à Magritte, peintre d’une
extraordinaire technicité, qui regrettait que la poésie se limitât
aux seuls mots.
Il
y a assurément de cela chez Gaudu, besogneux de l’absolu, artisan
de la (grande…) communion, messie de la particule, plus
particulière qu’élémentaire.
C’est
tout cela Gaudu ; ou plutôt tout Cela, en ce que tous ces
« cela » cultivent le même essentiel plastique, la même
quête de beauté, le même cheminement spirituel.
Car
il y a enfin quelque chose de profondément christique – au sens le
plus laïc possible… – chez cet homme cherchant la rédemption
universelle dans le saisissement d’un souffle, voire de l’absence
d’un souffle.
Cette
âme fugace a en effet élu domicile dans la beauté de ce que l’on
ne voit pas, de ce qui ne saurait s’appréhender, comme si Gaudu
arrivait enfin, plus de quarante ans après sa première composition,
à ce statut de « poète visuel » qu’il aurait inventé.
Et surtout mis au point !
Qui
se souvient, mieux que Gaudu, qu’en grec ancien poiéô
signifiait créer,
engendrer,
et
Poiêsis…
la Genèse ?
Philippe
GONNET
décembre
2016
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